Employé-e-s de maison en recherche d’égalité et de travail décent

Communiqué de presse du 14 juin 2024

À l’occasion du 14 juin, journée nationale de revendications féministes, le syndicat SIT rappelle que les employées de maison, malgré les législations en vigueur, ne sont toujours pas protégées à la hauteur des tâches essentielles qu’elles assument pour le bien-être et le confort de la population.

Juin, un mois riche en dates symboliques pour les employé-e-s de maison

Le 14 juin 1981, le principe d’égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de l’instruction et du travail, est inscrit dans la Constitution fédérale. Le 16 juin 2011, la Conférence internationale du Travail adopte la convention internationale C189 visant à garantir aux employé-e-s de maison un travail décent. Depuis, cette journée du 16 juin a été décrétée journée internationale des employé-e-s domestiques. Deux objectifs loin d’être atteints.

Si la Suisse a ratifié cette convention en 2014 en pensant offrir un cadre légal suffisant aux 100’000 personnes qui s’occupent des enfants en bas âge, des personnes âgées ou malades, qui accomplissent toutes les tâches ménagères, elle a raté sa cible.

En travaillant pour un ménage privé, elles ne sont pas considérées comme de vraies salariées et sont exclues de la Loi sur le travail. Les employeurs ne sont pas obligés de respecter les dispositions en matière de durée du temps de travail et de repos, au risque de mettre la santé de leur employée en danger.

Des vœux pieux qui doivent se concrétiser dans les faits

Malgré les législations en vigueur, les formes d’embauche varient d’un engagement à l’heure jusqu’à un travail 24 heures sur 24. Tous les cantons ne disposent pas d’un Contrat-type de travail avec salaire minimum impératif et le CTT fédéral ne s’applique qu’au personnel qui effectue plus de 5 heures chez le même employeur.

A Genève, plus de 8’000 personnes se chargent d’effectuer la plupart des tâches essentielles de la vie quotidienne que d’autres ne peuvent ou ne veulent pas faire.

Sous-payées, non déclarées aux assurance sociales, licenciées du jour au lendemain, menacées d’être dénoncées aux autorités pour séjour illégal, elles sont exploitées pour leur travail et s’inscrivent dans une zone grise qui frôle la traite des êtres humains. Pour elles, égalité et travail décent sont des objectifs loin d’être atteints.

STOP aux abus !

Le SIT, depuis la fin de la pandémie Covid, a accompagné plus de 200 employées de maison qui ont travaillé auprès de familles, pour la plupart domiciliées en ville de Genève et dans les communes bourgeoises comme Anières, Cologny, Prégny-Chambésy, Vandoeuvres, Versoix, Vésenaz ou encore sur la Riviera vaudoise.

L’exemple de Maria* est particulièrement scandaleux. Engagée en 2020 pour s’occuper des parents de l’employeuse âgés respectivement de 79 et 83 ans. Tous deux nécessitant une présence accrue car l’un souffrant de schizophrénie et l’autre d’Alzheimer et de démence. Vivant sur place, ses conditions de travail se sont péjorées au rythme de la détérioration de l’état de santé des personnes dont elle avait la charge. Jusqu’au jour où, sans la prévenir, l’employeuse avait déménagé les affaires dans la chambre de sa mère, allant jusqu’à faire dormir Maria* dans le même lit.

Pire, Maria* était surveillée de jour comme de nuit par vidéo/audio et recevait des instructions via son téléphone ou par le haut-parleur des caméras de surveillance. Elle touchait entre CHF 1’250.- et 1’500.- par mois durant toute la relation de travail pour un 7 j/7 24 h/24.

Celui de Sandra* est tout aussi effrayant. Engagée pendant sept années pour s’occuper des enfants d’un couple, du ménage et des repas, elle travaillait de 7h30 à 19h, du lundi au vendredi, soit 52 heures par semaine pour un salaire mensuel de CHF 2’000.-.

Les conditions de travail de Sandra* ont eu un impact destructeur sur ses propres filles qu’elle devait délaisser de 7h du matin à 20h le soir. En effet, mère célibataire de deux jeunes filles, dont une adolescente, elle n’avait d’autres choix que de travailler du matin au soir pour un salaire de misère et sacrifier l’éducation et les soins de ses enfants.

Avec l’exemple de Marta*, on atteint le sommet de l’exploitation de la force de travail. Engagée en 2020 pour s’occuper d’une personne âgée de 93 ans, dépendante à 100% et sous curatelle d’un avocat de la place, elle vivait au domicile de l’employeur. Elle était payée entre CHF 1’000.- et 1’500.- par mois, parfois moins voire pas du tout. Elle faisait partie d’une équipe de soins qui connaissait sa situation et ses conditions de travail, soit une présence H24. Toutes et tous ont préféré détourner le regard. Après de nombreux mois de dur labeur, elle a réussi à prendre un jour de congé. A son retour, elle a trouvé porte close et serrures changées. Le fils de la dame âgée avait fait hospitaliser sa mère et mis fin au contrat de manière brutale. L’intervention d’une association a été nécessaire pour permettre à Marta* de récupérer ses affaires personnelles.

Ces quelques exemples sont la preuve criante que les abus doivent être stoppés. Les autorités doivent mettre en place des campagnes d’information, protéger les sans-papiers, renforcer les contrôles et sanctionner lourdement les auteurs. *Prénoms d’emprunts